Connaissez-vous la série télévisée américaine Pour l’amour du risque diffusée dans les années 80 sur vos écrans ? Les risques, ce couple de détectives amateurs, milliardaires au demeurant, aimait assurément en prendre. Les acteurs des projets en entreprise partagent-ils ce goût ? Comment faire passer la « pilule de la gestion des risques projets » à des collaborateurs diversement intéressés ? Comment diffuser la culture du risque et amener ses pairs à se pencher sur le sujet malgré le caractère incertain, presque immatériel du concept ?

Dans nombre d’organisations, la gestion des risques est le « maillon faible » ou la « cinquième roue du carrosse » à côté de la gestion du planning et des coûts du projet. Dans ces environnements, la mission du responsable ou du point focal des risques projet se complique à l’extrême. Beaucoup d’arguments sont avancés pour ne pas se pencher sur son portefeuille de risques. Certains interlocuteurs ne se sentent pas concernés, d’autres n’ont pas le temps, d’autres encore sont en congés lors des revues de risques et ne les préparent donc pas, les derniers arguent du manque de performance de l’outil utilisé pour gérer les risques et opportunités. La liste de griefs est quasiment infinie.

Nous constatons souvent une dissonance entre le rêve : une gestion du risque intégrée à tous les niveaux de l’entreprise, et la réalité : peu d’appétence pour la gestion du risque et de l’incertitude. D’où le questionnement suivant : quels sont les leviers d’implication à mettre en œuvre pour réduire cet antagonisme ?

Le but de cet article est de partager, au travers d’un cas d’usage fictif mais représentatif , les sources de dysfonctionnement fréquemment rencontrées dans le pilotage des R&O dans l’entreprise ainsi que les principes généraux à appliquer afin de faire pleinement adopter la gestion des risques par les équipes projet.

Un nécessaire état des lieux

La concrétisation de risques que le processus en place n’a pas su anticiper ou réduire peut-être un point d’appui pour auditer la culture R&O dans l’entreprise. Il faut s’interroger sur la pertinence du processus tel que défini jusque-là et évaluer sa mise en œuvre par les parties prenantes. Notons qu’un appui ferme de la direction est absolument indispensable au succès d’une telle évaluation du processus de gestion des risques.

Les écarts relevés au cours du diagnostic réalisé auprès des différentes familles d’intervenants (PMO, chefs de projets, gestionnaires de contrats…) du département met en lumière les points suivants :

  • Des risques, parfois majeurs, sont ignorés et non traités,

  • Les règles de base de la gestion des risques ne sont pas appliquées,

  • L’outil officiel de gestion des risques est contourné, faussant ainsi toute consolidation,

  • Les plans de réponse et d’atténuation sont peu suivis

  • Le travail de reporting auprès de la direction est négligé,

  • Les rôles et responsabilités de chacun sont mal compris et peu mis en œuvre.

Comment analyser ces dysfonctionnements ?

Une première cause de dysfonctionnement tient souvent au fait de déployer un processus répondant essentiellement à des besoins du top management, sans avoir de prime abord pris en compte les besoins opérationnels des projets et des collaborateurs. Cela peut engendrer une forme de « révolte » passive se traduisant par un désintérêt du sujet et une minimisation de l’investissement personnel.

D’autres causes racines peuvent être évoquées comme une communication inadaptée des instances centrales sur la stratégie de gestion des risques à l’échelle du portefeuille de projets ou de l’entreprise.

Le manque de connaissances des notions élémentaires, « du jargon spécifique » par les équipes opérationnelles sur le processus de gestion des risques (évaluation qualitative, quantitative, matrice des risques…) notamment aux étapes d’identification et de suivi, constitue aussi un facteur de mauvaise gestion.

La complexité des processus, le manque de clarté des rôles et responsabilités des acteurs, la lourdeur de l’outil de gestion des risques, peuvent enfin remonter lors d’entretiens avec les parties prenantes concernées. Corolaire du précédent et maladie chronique des grandes organisations, le manque d’harmonisation des pratiques et des routines entre projets, ou métiers différents pose également problème.

Du constat à l’action il n’y a qu’un pas, voici donc des pistes d’amélioration à expérimenter en tant que PMO ou responsable risque pour améliorer sensiblement la gestion des risques dans l’organisme pour lequel vous œuvrez.

Forger une compétence partagée

L’ensemble des collaborateurs doit être doté des connaissances et des compétences nécessaires pour identifier les risques émergents, évaluer leur probabilité et leur impact et mettre en œuvre des mesures de contrôle appropriées. Pour y parvenir, la sensibilisation des employés doit être une priorité. Cela peut passer par des sessions d’information thématiques (ex : avoir une bonne intégrité des données, identifier et évaluer les risques transversaux, comprendre le barème de notation des risques) adaptées à chaque niveau de responsabilité : PMO et chef de projet par exemple. Un accompagnement hebdomadaire est également à proposer aux opérationnels pour aider à la mise en œuvre du processus de gestion des risques et à la prise en main de l’outil de gestion. Une bonne dose de patience est nécessaire selon que ces sessions sont obligatoires ou pas !

Repérer les locomotives

Savoir repérer les « locomotives », ces personnes relais qui motiveront leurs collègues à gérer leur portefeuille de risques est assurément une bonne pratique. Ils seront les champions du changement consistant à instaurer le pilotage par les risques au cœur du projet.

Une mise en mouvement des personnes initialement réticentes se fera tôt ou tard sentir. Ceci d’autant plus qu’en tant que promoteur du changement, vous vous montrerez capables d’adaptation, empathiques et persévérants au point de devenir leader par l’exemple. L’attention aux autres est ainsi essentielle car pour bien accompagner les équipes il vous faudra identifier les réticences et signaux faibles, les points bloquants… et les solutions pratiques de désembourbement.

(Ré)-intégrer le pilotage coûts, délais et risques

L’intégration du pilotage des coûts, des risques et du planning est un pilier du management de projet qu’il faut parfois rappeler. Caractériser les réponses aux risques comme des tâches projet, avec une durée, un coût, des ressources, un responsable, et les intégrer au planning du projet est une direction intéressante. Dans un premier temps, nous conseillons de mettre quelques jalons importants marqueurs du plan de traitement du risque avec antécédents et successeurs dans le planning puis d’étendre ce principe pour obtenir la capacité de pilotage visée : pouvoir suivre les risques dans le planning projet, en même temps et au même titre que les toutes les autres tâches. Un vrai challenge nécessitant à coup sûr une phase d’accompagnement à la mise en place.

Clarifier, supporter… et affirmer les attendus

L’engagement continu de la Direction est clé dans toute application de processus. Son importance croit encore s’il faut recréer la confiance et l’adhésion au dit processus. Comment les dirigeants peuvent-il concrétiser ce sponsoring ?

  • En permettant à chacun de communiquer sur les faiblesses de son projet et de partager ses inquiétudes sans crainte de jugement.

  • En instaurant la tenue de revues de risques et en demandant aux chefs de projets de rendre compte sur leurs risques de premier niveau en comité de pilotage.

  • En rendant lisibles les processus de décision et d’arbitrage. L’utilisation de la provision pour risque au niveau des directions de programme ou de portefeuilles étant parfois revêtue d’un voile d’opacité rendant difficile la compréhension et l’acceptation par les chefs de projets.

  • En examinant plus finement les justifications des demandes d’utilisation de la réserve de management car celle-ci n’a pas vocation à être dépensée. Un accès trop facile à cette provision n’incitant pas à la mise en œuvre efficace du processus de gestion des risques et opportunités.

  • En autorisant la critique constructive sur le processus de gestion des R&O.

Faciliter l’utilisation des outils centraux

Combien de temps un outil métier Risques dont l’usage nécessite un minimum de formation résiste-il face au bon vieux fichier Excel ? Pour certains chefs de projets pressés par les urgences opérationnelles, ce temps se compte en minutes voire en secondes. Ne nous trompons pas, le gain de temps promis par le contournement de la solution officielle est une fausse bonne idée.

Malgré un effort d’apprentissage plus élevé, les outils spécialisés présentent en effet des fonctionnalités de structuration et de consolidation sans égal. Ils permettent en outre d’assurer, par leurs paramétrage, l’application naturelle des processus de l’entreprise.

Il est donc nécessaire d’embarquer les collaborateurs vers l’adoption de ces outils et leur intégration aux routines projets. Un travail de pédagogie initial sera donc à prévoir, de même que l’organisation régulière de séances de « recyclage » pour maintenir une bonne qualité de données dans le temps.

Travailler les routines

Afin que les acteurs projets s’approprient la gestion des risques il faut leur donner les moyens de détecter et de signaler les risques lors des routines régulières et faire en sorte qu’ils soient proactifs et engagés dans leurs actions et décisions. Il est possible pour cela de proposer des évaluations de performance comme des audits blancs ou des programmes de reconnaissance mettant à l’honneur les collaborateurs ayant mitigé le plus de risques par exemple.

Casser la routine !

Afin de briser les silos, faire émerger l’intelligence collective et ouvrir le dialogue nous conseillons l’utilisation de dispositifs simples et ludiques :

  • Dédramatiser les réunions de risques avec l’utilisation de brise-glaces originaux tels que « présentation croisée de vos supers pouvoirs », « crache ta valda » (dis ce qui ne va pas), « photolangage » (montre ton état d’esprit du moment en photo),

  • Mettre en situation, utiliser un cas pratique pour comprendre comment évaluer un risque,

  • Réaliser un « Deep dive » avec les chefs de projets afin d’analyser les raisons pour lesquelles certains risques sont avérés ou mitigés,

  • Utiliser des tableaux numériques interactifs comme Jamboard ou Klaxoon pour vos sessions de brainstorming / visualisation,

  • Recourir à des quizz, des jeux d’animation tels que les chapeaux de Bono ou la méthode Bowtie pour identifier et analyser les R&O.

Citons également, la méthode RDMM – Risk Driven Mind Mapping – développée par setec eocen permettant l’identification précoces et partagée des risques en misant sur la puissance des cartes mentales et la focalisation des contributeurs projets sur leur domaine d’expertise. Cet atelier d’animation, testé et adopté par plusieurs de nos clients permet aux équipes projets de se pencher sur les causes racines des risques et leurs effets en manipulant des éléments visuels et intuitifs et un vocabulaire simple et naturel. Cette méthode facilite la dynamique d’équipe et certaines prises de conscience ont lieu lors de ces ateliers.

Exploiter le retour d’expérience

Tout ne peut pas toujours être parfait dans les entreprises : avoir des processus à jour, des personnes formées et impliquées, une direction qui infuse la culture du risque (et du REX) à tous les niveaux.

La capitalisation sur les leçons apprises nous paraît constituer donc un complément nécessaire pour alimenter la gestion des R&O. Or nous constatons que ce dispositif est souvent absent ou peu pratiqué dans les organisations. Des outils existent pourtant pour créer et alimenter cette boucle de rétroaction et d’amélioration continue comme la solution ReXplore développée par setec eocen. Par son principe de capitalisation de micro-REX et l’accès intelligent et continu à la connaissance des projets qu’elle permet, elle constitue une voie d’avenir pour les organisations qui l’adoptent.

Et finalement, comment se termine l’histoire ?

Présenter les résultats d’un plan d’amélioration déployé sur un cas d’usage fictif est assurément une gageure. Nous vous proposons toutefois des témoignages représentatifs de ce que vivent les responsables de risques engagés dans une démarche de progrès. Pas tout à fait arrivés… mais en bonne voie :

  • « Le plan d’action défini à la suite du diagnostic sur la gestion des risques au sein du département ingénierie a bien été mis en œuvre. Et de 5ème roue du carrosse qu’était la cellule risque est devenue un véhicule à part entière bien décidé à tenir la distance sur l’autoroute des projets. »

  • « Sur le chemin nous avons appris à appréhender la culture d’entreprise, à mettre en œuvre des outils et les méthodologies innovantes qui ont permis d’embarquer, petit à petit, les collaborateurs essentiels à la gestion des risques projets. »

  • « La gestion quotidienne s’enrichit désormais d’un changement de culture progressif mais réel et c’est bien là l’essentiel. On entend les gens parler de risques dans les couloirs, ils « râlent » moins, le sujet des R&O est à l’ordre du jour des réunions d’équipes, et c’est déjà une victoire ! »

Nous espérons que cet article vous offrira des pistes pour accélérer votre gestion des risques et opportunité et faire franchir ainsi, le plus sereinement possible, les lignes d’arrivée à vos projets et pour lancer un grand mouvement d’adhésion à la culture du risque.

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